Les chiffres sont parfois vertigineux et donnent une idée de la dépendance financière de la presse locale vis à vis des collectivités. Au premier rang desquelles la région Languedoc-Roussillon qui a dépensé, à elle seule, en 2009, plus de 5 M€ en insertions dans les journaux. Sans compter Sud de France export dont le budget dépasse les 9 M€. Après lecture de ces chiffres, vous ne lirez plus vos journaux de la même façon.
Sur trois ans (2007-2009), le groupe Midi Libre, Les Gazettes et L’Hérault du jour (1) se sont partagé la bagatelle de 10 M€ d’annonces légales et de publicités de la région Languedoc-Roussillon, du conseil général de l’Hérault et de la mairie de Montpellier. Il manque à ce chiffre, celui de l’agglomération de Montpellier qui refuse, au mépris de la loi, de communiquer à Montpellier journal les éléments demandés. Mais on peut, sans risque de trop se tromper, ajouter environ 2 M€ pour l’agglo sur cette période. Ce qui donnerait 12 M€.
Attention néanmoins : 12 M€, ce n’est pas le chiffre réel, ce n’est que le minimum. Car Montpellier journal ne dispose pas encore des chiffres des satellites de ces collectivités comme Sud de France export (9,2 M€ de subventions de la région en 2008), Enjoy (Corum, etc.), Tam (transports), ACM (logement social), etc. qui, eux aussi, contribuent à maintenir les médias sous respiration artificielle.
Mairie et conseil général, des nains par rapport à la région
Du côté du poids des collectivités, on voit que la mairie et le conseil général sont des nains par rapport au budget de la région (voir tableau). Ce qui donne une idée du pouvoir de coercition respectif de ceux qui les dirigent. Il faut aussi noter que les dépenses ont augmenté de plus de 30 % entre 2007 et 2009 pour le conseil général (38 %) et la mairie (34 %). Et de 131 % pour la mairie entre 2004 et 2009 ! Entre 2007 et 2009, les dépenses de la région n’ont augmenté « que » de 12 % mais il faudrait creuser les années précédentes. Pour l’instant, Montpellier journal ne dispose pas des informations sur ces années.
Les Gazettes et, au premier rang, La Gazette de Montpellier, sont très très bien lotis par rapport à Midi Libre. Surtout si on compare les chiffres d’affaires respectifs des titres : 95,8 M€ pour le groupe Midi Libre et 5,3 M€ pour Les Gazettes en 2009. Un facteur 20 les sépare mais ces proportions sont très loin d’être respectées quand on regarde les montants des insertions : 2,3 M€ pour le premier contre 1,6 M€ pour les deuxièmes ! Si on rapporte ce dernier chiffre au nombre d’exemplaires vendus, cela fait au minimum 1,16 € par numéro de revenus venant des collectivités territoriales pour Les Gazettes (2). Numéro qui est en vendu 1€, rappelons-le. Le seul Midi Libre vend, lui, environ 138 000 exemplaires les jours de semaine et 191 000 le dimanche. Comment interpréter tous ces écarts si ce n’est par un sacré traitement de faveur de la région – voire de Georges Frêche – vis à vis de La Gazette ?
Élus communistes
L’Hérault du jour, malgré une diffusion assez confidentielle et dont les chiffres sont quasi secrets, a récupéré 1,1 M€ en trois ans dont 827 K€ de la seule région. Il n’est pas impossible que les élus communistes y soient pour quelque chose. Du moins à l’époque où ils représentaient leur parti au conseil régional. Ce n’est plus le cas aujourd’hui puisqu’ils ont soutenu Georges Frêche, contre l’avis de leur parti, aux régionales de 2010 . Notons que le quotidien proche du PC, est un des rares titres à avoir vu la « dotation » de la région baisser entre 2007 et 2009 passant de 370 K€ à 257 K€.
En rentrant un petit peu plus dans le détail du deuxième tableau qui se concentre sur la région Languedoc-Roussillon, toujours de 2007 à 2009, on notera une baisse des dépenses en 2008 et une hausse sensible en 2009, année précédent les élections régionales. Volonté de l’exécutif de préparer l’électorat ?
On retrouve dans ce détail des titres moins connus comme, par exemple, Le journal de l’emploi, mensuel vendu à 4800 exemplaires, qui a quand même récupéré 326 K€ ! L’Humanité, quotidien national (50 000 exemplaires vendus): 346 K€ en trois ans avec de 5 à 7 insertions par an. Alors que les autres titres de la presse nationale, comme Le Figaro ou Le Monde, ne bénéficiaient au mieux que d’une ou deux insertions. Faut-il y voir, là aussi, l’influence des élus communistes ?
On voit aussi que Le Travailleur catalan, hebdomadaire communiste qui se plaint de ne plus avoir d’insertion de la région depuis les régionales de 2010, avait facturé 19 136 € en 2009. On peut comprendre que le manque se fasse cruellement sentir aujourd’hui pour ce petit journal. Objectif Languedoc-Roussillon (3), en revanche, s’en tire plutôt bien avec 150 000 € en 2009 soit environ 10 % de son chiffre d’affaires.
Il n’est pas inutile de rapprocher également tous ces chiffres des bénéfices des entreprises de presse concernées. Et on se rend compte que, pour la plupart des médias locaux, si la région cessait ses insertions, leur résultat serait au minimum grandement amputé voire deviendrait négatif. De quoi calmer certaines ardeurs. Au minimum.
Tous ces chiffres ont été tirés des éléments fournis par les collectivités concernées et ont été synthétisés par Montpellier journal. Merci à Fabrice Thomas du site Perpignan-Toutvabien qui m’a donné l’idée, il y a plusieurs mois, de me lancer dans cette enquête. Qui, on l’a vu, reste à compléter.
La seule ressource de Montpellier journal ?
Les dons de ses lecteurs.
► Lire aussi :
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- Hélène Mandroux coupe la publicité à La Gazette de Montpellier
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(1) Midi Libre : Journaux du Midi soit essentiellement Midi Libre, L’Indépendant, Direct Montpellier plus. Les Gazettes : Montpellier, Nîmes et Sète. L’Hérault du jour : il faut ajouter La Marseillaise pour les insertions de la région.
(2) 26 916 exemplaires vendus pour les trois Gazettes (source : OJD) multipliés par 52 semaines. 1,6 M€ d’euros d’insertions en 2009 : 1 626 439 € / (26 916 x 52) = 1,16 €.
(3) Mise à jour le 10/11 à 12h20 : il s’agit en fait d’Ecopresse qui regroupe Objectif Languedoc-Roussillon, Vent sud et Méridien mag. En 2009, d’après les libellés des factures, le seul Objectif LR a obtenu au moins 71 K€. Le chiffre d’affaire donné est celui d’Ecopresse. La composition d’Ecopresse avait sauté lors de la mise en page de l’article.
6 commentaire(s)
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à 9 h 09 min
Dans les titres cités, vous oubliez La Semaine du Roussillon à Perpignan, 5000 à 8000 exemplaires diffusés par semaine dans le Département des Pyrénées-orientales, qui à engrangé, depuis 2000, exactement à la virgule près 0 euros de légales ou de publicité de la Région. Autant du Conseil général des P.O. Il est vrai que La Semaine n’est pas très conciliante avec les pouvoirs et plutôt très respectueuse de ses lecteurs, ça se paye. Mais à ce niveau-là, est-bien normal ?
à 9 h 19 min
Le cas de votre journal a déjà été mentionné dans l’article « Médias : Christian Bourquin ose tout c’est même à cela qu’on le reconnaît ».
à 17 h 30 min
Beau boulot.
(justement récompensé par cette reprise http://www.arretsurimages.net/vite.php?id=9599)
à 1 h 37 min
joli travail d’information et d’exhumation de chiffres auquels les anonymes de ma sorte n’ont pas accès. tres instructif!
à 7 h 37 min
Voilà donc pourquoi tout se passe si »rien » dans la région … Voila donc pourquoi dans le résumé des news de Google à propos de Montpellier, il y a 85% de résultat sportif ou si vous préférez que 15% de news politiques. Est-ce aussi pour cela que sur France 3 Régional, après au mieux une minute trente de news locales (désolé pour ce pluriel purement stylistique), ont nous passe au sport pour la demie-heure qui reste du journal… pour ce dernier média, je ne saisi pas comment il est tenu par le pouvoir local … (Évidement, je ne cite pas les diverses »Pravdas » locales qui outre l’art de l’encensoir verbal digne des meilleurs prévisions glorieuses des pays communistes d’antan, ont au moins le »mérite » de ne pouvoir cacher leurs attaches… En tout cas, beau travail d’investigation … Le journalisme existerait-il encore ?
à 10 h 35 min
ces journaux sont tenues a des résultats financiers
un bon cirage de pompes de temps en temps rapporte plus que des articles interessants
leur choix est clair.