Le maire de Grabels et vice-président de la métropole de Montpellier a été destinataire d’un courrier lui demandant de rectifier le budget 2015 de sa commune en raison de prévisions de recettes trop élevées par rapport à la réalité. Alors que la baisse des dotations de l’État aux collectivités locales était annoncée et débattue depuis longtemps. (930 mots)
Par Jacques-Olivier Teyssier
Pascal Heymes n’est plus élu au conseil municipal de Grabels mais cela ne l’empêche pas de suivre de près les affaires de sa commune. En particulier, les aspects financiers qu’il connaît bien puisque c’est son métier et qu’il a été 1er adjoint aux finances de René Revol avant de démissionner puis de devenir son principal opposant. Ainsi, deux jours après le vote du budget par le conseil municipal le 13 avril, il adresse un courrier au préfet et publie un billet sur le blog qu’il vient de rouvrir.
« Surestimées de 30 % »
L’objet de ses interrogations ? Le fait que les dotations de l’État aux collectivités locales sont en baisse et que celles inscrites au budget de la commune de Grabels sont… en hausse, « surestimées de 30%, alors même que ces dotations figuraient sur le site du Ministère de l’Intérieur dès le 2 avril », écrit Pascal Heymes. Cette publication du ministère est peut-être tardive par rapport au conseil municipal qui devait se tenir le 13 avril et l’envoi des documents aux conseillers municipaux quelques jours plus tôt. Mais Pascal Heymes fait remarquer, à juste titre, que la baisse des dotations de l’État est connue et commentée depuis longtemps. Donc la tendance était connue. Et l’Association des maires de France avait même, dès le 19 janvier, mis à disposition de ses adhérents - donc à Grabels qui est adhérente selon Pascal Heymes – un outil permettant d’évaluer assez précisément les dotations de l’État pour 2015.
Et pourtant, commente l’opposant sur son blog : « Les recettes de dotation forfaitaire inscrites par le maire dans son budget 2015 ne font pas état d’une baisse mais au contraire d’une hausse par rapport à 2014, ce que n’enregistre aucune commune en France ! Grabels a inscrit, pour équilibrer son budget une recette de 720 000 € alors que l’État a notifié une recette précise de 554 116 €. 166 000 € d’écart ! »
Contrôle de légalité et contrôle budgétaire
C’est donc sans vraiment de surprise que le préfet a répondu à Pascal Heymes dans un courrier daté du 11 mai où il est écrit : « Suite au contrôle de légalité et au contrôle budgétaire du budget primitif de la commune de Grabels, j’ai observé des écarts entre les montants des dotations inscrits de façon prévisionnelle dans le budget communal et ceux parus sur le site Internet de la Direction générale des collectivités locales […] À cet effet, une lettre en date du 5 mai 2015 a été envoyé au maire de Grabels lui demandant de prendre une décision modificative. »
Si les prévisions de recettes devront être diminuées, celles des dépenses devront l’être aussi sauf à trouver des recettes ailleurs. Et Pascal Heymes, après avoir évoqué d’autres hypothèses qui lui paraissent improbables, « miserait bien une pièce » sur la réduction du poste correspondant au projet… d’école dans le budget 2015. Il faudra attendre le prochain conseil municipal – dont la date n’a pas encore été publiée sur le site de la ville de Grabels – pour savoir ce qu’il en sera réellement.
Encours de dette de 1 835 € par habitant
Reste que l’endettement de la commune est important. Ce qui limite la marge de manœuvre du maire. En effet, l’encours de la dette de Grabels au 31 décembre 2013 était de 1 835 € par habitant contre 881 € pour la moyenne de la strate (communes comparables à Grabels). Juvignac qui est en grande difficulté et qui appartient à la même strate que Grabels était à 1 983 €. La commune de Montpellier était, quant à elle, à 896 €.
Mais cela ne dit pas tout. Un autre indicateur donne une idée de la situation financière de la commune : la capacité de désendettement de la commune c’est-à-dire le ratio encours de dette sur capacité d’autofinancement. À en croire Pascal Heymes, si on se base sur les chiffres du budget 2015, ce ratio ne serait pas bon. En 2012, il était de 13,6 ans et de 10,8 ans en 2011. Il était meilleur en 2013 (8,2 ans) mais selon Pascal Heymes, ce serait lié à des éléments exceptionnels. Il faudra voir les chiffres du compte administratif 2014 et du budget 2015 modifié pour affiner l’analyse et voir si la situation se dégrade réellement. Reste que la capacité de désendettement de la strate est inférieure à 5 ans pour les années 2011, 2012 et 2013 donc bien en dessous de celui de Grabels. En avril 2014, René Revol considérait quant à lui que sa « municipalité dispose de marge de manœuvre avec un taux d’endettement assez modeste ».
►Contacté par Montpellier journal, René Revol a déclaré: « Je ne souhaite pas vous répondre. »
Voici les questions que nous souhaitions notamment lui poser :
- Quelle est votre réaction au courrier du préfet daté du 5 mai vous demandant de prendre une décision modificative ?
- Pourquoi n’avez-vous pas utilisé les chiffres des dotations de l’État inscrits sur le site de la DGCF ?
- Pourquoi n’avez-vous pas appliqué dans le budget 2015 une baisse ou au moins une stabilité plutôt qu’une hausse des dotations de l’État ?
- Que répondez-vous à ceux qui émettent des doutes sur la sincérité de la partie recettes du budget 2015 de la commune ?
- Comment jugez-vous l’endettement de votre commune ?
- Votre encours de dette sur votre capacité d’autofinancement n’est-il pas un peu élevé ?
- Qu’avez-vous prévu de modifier au niveau des dépenses voire des dépenses pour compenser la baisse des recettes prévues dans votre premier budget ?
[Mise à jour le 21/05 : Sur le sujet, René Revol a notamment déclaré à Midi Libre (21/05) : "Je n’attends pas après 180 000 € pour boucler un budget de plus de 8 M€. [...] L’écart est de 2,3 % du budget global de la commune, les dotations de l’État représentant moins de 10 % de nos recettes : il n’y a pas de quoi fouetter un chat. »]
[Mise à jour le 13/04/2016 : suite à la lettre du préfet de mai, René Revol n'a fait rectifier le budget de sa commune qu'en novembre 2015. Lire aussi : Les communes aux finances préoccupantes du grand Montpellier]
[Mise à jour le 28/03/2017 : Dans une interview à La Gazette de Montpellier (9/03), le préfet de l'Hérault, Pierre Pouëssel, affirme que la commune de Grabels est entrée dans le "réseau d'alerte" de la préfecture. Et il explique ce que ça signifie : "Ce sont des communes où le taux d'endettement ou la pression fiscale peuvent nous alarmer."]
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(1) Les chiffres sont obtenus en divisant l’encours de la dette par la capacité d’autofinancement.
►Lire aussi :
Sur le blog Grabels en question(s) :
- Les recettes du budget 2015 de Grabels sont-elles sincères et le budget devra-t-il être revoté ?
- Le budget 2015 de Grabels devra être rectifié
Sur Montpellier journal :
4 commentaire(s)
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à 12 h 12 min
Quiconque prend connaissance du budget 2015 de la Grabels, publié sur le site Internet de la Ville, se rendra compte que si la Ville réalise le montant d’emprunts prévus à son budget (et compte tenu des dépenses d’investissements prévus, elle le fera), l’encours de dette atteindra à Grabels au 31 décembre 2015, 16,22 M€.
Soit un montant de 2 382 € par habitant !
Enfoncées Cournonsec et Castelnau, les plus endettées de l’agglo en 2013 avec leurs quelques 2000 /2200 € de dette par habitant (mais avec une épargne qui reste forte à Castelnau, ce qui relative le poids de la dette)
En 8 ans de mandat, René Revol aura multiplié la dette par habitant par deux et demie.
Et il a à financer à compter de 2016 une école à 6 M€ !
Si le nouveau président de la régie publique de l’eau la gère comme il le fait pour sa commune, je me demande à quoi va ressembler, dans 6-8 ans, la baisse « raisonnable » du prix de l’eau qu’il promet !
à 9 h 41 min
A partir d’aujourd’hui on dit Monsieur le président Revol…
à 22 h 06 min
A l’argument de René Revol mentionné dans Midi Libre, on pourrait dire ceci : une goutte d’eau ne représente que 0,00000000000001% du volume d’eau dans un vase. Mais si le vase est plein à ras bord, elle le fait déborder et produit des effets bien plus importants que son importance dans la masse globale d’eau.
En économie, c’est ce que l’on appelle l’effet marginal. René Revol a-t-il déjà oublié ce qu’il enseignait quand il était prof d’économie ?
à 10 h 27 min
En Anglais on dit « look after the pennies and the pounds will take care of themselves » (fait attention aux centimes et les euros se régleront eux-mêmes). Ici c’est plutôt « 180 000 € ici où là, quelle importance ? »