Grilles, barres, pics métalliques, clous, bancs à arceaux… Si la ville n’a jamais été aussi sexy pour le chaland, elle ne dissimule pas son hostilité envers les mendiants, « punks à chien », clochards et autres occupants de l’espace public. Des dispositifs répandus à Montpellier, souvent camouflés sous les traits de l’ornement ou du design mais qui – pour peu qu’on y prête attention – trahissent la place donnée aux SDF et à la marchandisation du centre-ville. Pour mieux les repérer Montpellier journal a élaboré cette carte qui se veut collaborative. (870 mots)
Par Lucie Lecherbonnier
« C’est sûrement pas la pire des villes mais y’en a quand même un peu partout », nous indique Pat, un SDF stationné près du Mac-Do Comédie, nuançant ainsi les propos d’un autre sans-abri affirmant quant à lui que « Montpellier c’est le paradis des clodos ! » À Montpellier journal, en cherchant les dispositifs les plus communs tels que les arceaux sur les bancs on a presque eu envie d’y croire aussi… Et puis l’œil s’habitue. Décrypte la fonction réelle d’un muret légèrement oblique, d’une grille arrondie ou d’une discrète barre en fer courant le long d’une vitrine.
À l’instar de Rue89Lyon (10/02), Montpellier journal a donc élaboré une carte permettant de repérer les dispositifs anti-sdf installés dans la ville. Le blog d’information Pas de roses sans épines, auteur d’un dossier intitulé « Prendre la rue pour ne pas y mourir » (5/01/2015), s’est joint à la démarche en y ajoutant ses photos. Cette carte se voulant collaborative, vous êtes libres de nous envoyer les vôtres, accompagnée de l’adresse où vous avez repéré le dispositif à cp@montpellier-journal.fr Et nous les ajouterons à la carte. Vous pouvez aussi nous signaler ceux qui ont été retirés.
Repérer un dispositif anti- sdf ?
Ces dispositifs peuvent prendre différentes formes :
Les barres métalliques :
Elles peuvent être droites ou ondulées et sont généralement placées devant une vitrine ou une fenêtre. Leur but est de rendre la station assise inconfortable et de repousser ainsi les éventuels squatteurs.
Installée sur un mur, une barre métallique empêche également la station allongée.
Les pics et clous métalliques :
Devant une vitrine, une fenêtre ou dans un hall ils empêchent de s’asseoir ou de s’allonger.
Les bancs avec arceaux ou individuels :
Soit par leur taille réduite, soit par des éléments de séparation, ces bancs sont conçus pour qu’on ne puisse s’allonger. Plus discret, la suppression des bancs dans l’espace public peut également être une mesure anti-SDF.
Les grilles :
Installées devant un porche, une fenêtre ou sur un muret, les grilles repoussent les éventuels squatteurs.
Les terrasses et fontaines :
Les aménagements de terrasses et fontaines sont parfois des moyens de confisquer l’espace public aux squatteurs.
Qui les installe ? Selon quelle réglementation ?
À Montpellier, la grande majorité des dispositifs que nous avons repérés relèvent de propriétaires privés. Des commerçants essentiellement. En théorie, ces dispositifs « ne sont pas interdits mais réglementés [...] Les commerçants doivent nous faire une déclaration de travaux […] Si elle est jugée conforme par l’architecte des bâtiments de France, puisqu’on est en secteur sauvegardé, on ne peut pas s’y opposer », nous affirme t-on à la mission Grand Coeur, chargée entre autres de la rénovation et de la sauvegarde du centre ville.
Une réglementation mise au point par la DUVEP, la Direction des usages et de la valorisation de l’espace public à la ville de Montpellier et que l’on trouve expliquée dans un fascicule destiné aux commerçants et aux artisans intitulé « Guide pour réussir sa devanture commerciale » (téléchargeable sur le site de la ville). On peut y lire (p25) que « les petits éléments (clous, pitons, crochets, dispositifs d’interdiction d’assise…) encastrés dans le mur de façade seront le plus discret possible et réalisés dans des matériaux non corrodables (acier inoxydable, aluminium anodisé…). Sur les supports en pierres appareillées, ils sont fixés dans les joints des pierres. »
La prévention situationnelle
Les dispositifs anti-SDF ont vu le jour aux États-Unis dans les années 60-70. Ils sont inspirés d’une théorie appelée prévention situationnelle. Un courant prônant, entre autres, une forme d’urbanisme sécuritaire sous-tendu par la criminalisation de la pauvreté.
Montpellier, malgré un taux de pauvreté très élevé – 25 % selon l’observatoire des inégalités – n’a jamais rechigné à communiquer autour de sa politique anti-SDF. Elle est la première ville de France en 1993, sous le mandat de Georges Frêche, à prendre un arrêté anti-mendicité, qu’elle reconduira plusieurs années de suite avant d’être cassé par le tribunal administratif. Philippe Saurel au lendemain de son élection, s’inscrira dans la même démarche en prenant le 25 avril 2014, un arrêté de « tranquillité publique » (France 3, 2/07/2014) qu’il reconduira le 25 avril 2015 (lire, en accès libre, Philippe Saurel n’est ni de gauche ni écologiste ni citoyen).
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3 commentaire(s)
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à 22 h 47 min
Non seulement effrayant dans la pratique et la manière de déplacer ce phénomène sociétal mais avant tout discriminatoire face à une population en souffrance !
à 22 h 09 min
Lors de sa
messeréunion-participative-de-proximité-citoyenne où se défoulent les pires relents populistes de Montpellier (mais polis bien sûr) du centre ville à la salle Pagezy vendredi 8 avril Ph. Saurel a répondu à une question sur l’envahissement des terrasses à Montpellier. Il a indiqué que le parvis de l’opéra sera prochainement débarrassé de la terrasse qu’il a assimilé à un arrangement entre amis.à 19 h 08 min
Merci pour l’info…On suivra.