L’adjointe à l’urbanisme de Montpellier, après avoir voté en 2015 une délibération ayant pu la placer en situation de conflit d’intérêts, a adopté une position différente en 2016. Une conséquence de notre article du 8 avril ? Un autre vote, en conseil de métropole cette fois, pose la question d’un nouveau conflit d’intérêts de l’élue. Quant à l’opposition (PS, LR, FN) et l’association Anticor, elles restent silencieuses. (1 260 mots)
Par Jacques-Olivier Teyssier
Philippe Saurel ne dit rien. Stéphanie Jannin esquive les questions. On en est donc réduit à observer. Car depuis l’article de Montpellier journal du 8 avril et malgré la reprise des informations par l’hebdomadaire L’Agglorieuse, par La Gazette de Montpellier et partiellement par Midi Libre, la saisie d’Anticor, de la commission éthique de la ville et le dépôt d’une plainte contre X, pas un mot du maire (divers droite) et de son adjointe à l’urbanisme sur les éventuelles situations de conflit d’intérêts dans lesquelles aurait pu se placer Stéphanie Jannin (lire : Stéphanie Jannin en « conflits d’intérêts » ?).
Conjoint de Stéphanie Jannin
Une des situations concerne le vote par l’élue d’une délibération accordant une subvention notamment à la Maison de l’architecture parmi d’autres structures, lors du conseil municipal du 7 mai 2015. Alors que le conjoint de Stéphanie Jannin est également président de cette association. Et alors que le règlement intérieur du conseil municipal stipule dans son article 27 : « Le maire, les adjoints et les conseillers ne peuvent prendre part aux débats et délibérations relatifs à des affaires dans lesquelles ils sont intéressés personnellement ou comme mandataires, ou en situation de conflit d’intérêts. » Précisons au passage que la mention « ou en situation de conflit d’intérêts » a été ajoutée par rapport au règlement de 2009.
Et puis voilà que le 28 avril 2016 vient le même type de délibération avec toujours le vote d’une subvention à la Maison de l’architecture. Le maire allait-il demander à son adjointe, comme il le fait régulièrement pour différents élus en fonction des situations possibles de conflit d’intérêts, de ne pas prendre part au vote ? Pas du tout. Il faut dire que ça aurait explicitement donné raison à Montpellier journal. Pas simple. C’est visiblement une autre stratégie qui a été choisie : Stéphanie Jannin est sortie de la salle du conseil quelques minutes avant que la délibération n°13 ne vienne à l’ordre du jour et est revenue quelques minutes après. Elle est sortie à 1h38’30 de la vidéo et est revenue 1h57’43. Voir ci-dessous, Stéphanie Jannin est à gauche de la capture d’écran, en rouge :
« Énormément de retours positifs »
Quant au fond, lors du débat, Sabria Bouallaga, conseillère exclue de la majorité Saurel l’an passé, demande des explications sur le choix de la Maison de l’architecture pour mener des activités périscolaires, objet de la subvention. Et Isabelle Marsala, adjointe aux écoles, de défendre le choix de cette structure pour l’intervention de laquelle, la ville aurait « eu énormément de retours positifs sur le travail qui a été effectué dans les écoles ».
Mais pas de chance pour les enfants des écoles primaires. En effet, cette année, nous apprend l’adjointe, il y aura « moins de séances que l’année passée avec la Maison de l’architecture mais pas de notre fait mais de leur fait à eux parce qu’ils ont considéré qu’ils resserraient le travail sur deux écoles au lieu de quatre par rapport à l’année dernière pour des problèmes pédagogiques […] Je ne travaille pas par rapport à ce que dit la presse, je travaille à la qualité que je peux apporter sur le terrain aux enfants sur ces TAP [temps d'activité périscolaires] et là, la qualité, je vous l’assure, elle y est réellement. » Applaudissements du maire et de sa majorité (vers 1h47 de la vidéo) Conséquence pour la Maison de l’architecture : la subvention est passée de 17 150 € pour l’année scolaire 2015-2016 à 8 700 € pour 2016-2017. Mais « de leur fait », donc. Et puis, de toute façon, Isabelle Marsala « ne travaille pas par rapport à ce que dit la presse ».
Esquive
Rappelons qu’il y a une autre affaire pour laquelle Stéphanie Jannin a esquivé : c’est celle de Las Rébès où elle n’a cessé de défendre un dossier de construction qui doit être réalisé par l’agence d’architecture Lebunetel, son ancien employeur (lire ici). Interrogée par TV Sud (20/04) pour une réaction, Stéphanie Jannin s’enfuit dès que la journaliste prononce les mots « article de Montpellier journal« (vers 1’20 de la vidéo). S’il ne s’agit pas de deux scandales d’envergure, il n’en demeure pas moins que l’adjointe à l’urbanisme de Philippe Saurel semble mal à l’aise quand on aborde ces deux dossiers.
Et L’Agglorieuse (27/04) en a rajouté une couche en pointant un autre vote pouvant poser problème. Il concernait une garantie d’emprunt accordée à FDI habitat le 26 février 2016 par la métropole de Montpellier. Pour la résidence « Le chêne blanc » dans le lotissement « Les jardins d’Hélios » à Cournonterral de FDI habitat avec l’agence Garcia-Diaz. Et l’hebdomadaire de préciser que ACO architectes, l’agence de Cédric Outrebon, le conjoint de Stéphanie Jannin, est partie prenante dans « Les jardins d’Hélios » mais d’un programme voisin « Le clos de l’Aigarelle » toujours pour FDI et Garcia-Diaz.
L’agence du conjoint
Sauf que le vote du 26 février concernait donc un projet où ACO architectes n’était, sauf erreur, pas partie prenante. Mais ce que n’a pas vu L’Agglorieuse, c’est que le 12 novembre, le même type de vote a eu lieu pour « Le clos de l’Aigarelle ». L’affaire n°75 précise simplement qu’elle concerne le « lot 1 » des « Jardins d’Hélios » mais le nombre de logements correspondent parfaitement au projet. Le texte soumis au vote ne précise pas non plus qu’ACO est associée à l’agence Garcia-Diaz alors que plusieurs publications retrouvées sur Internet, elles, le précisent bien (ici et ici). Bref la délibération concerne bien un projet de l’agence de Cédric Outrebon.
Stéphanie Jannin a-t-elle pris part au vote et a-t-elle ainsi pris le risque de se placer en situation de conflit d’intérêts ? Tout porte à le croire. En effet, elle était encore présente dans la salle du conseil moins d’une minute trente avant le vote de l’affaire n°75 et 20 secondes après (ici et ici). De plus, alors que Philippe Saurel demande à trois autres élus (Yvon Pelet, Véronique Demon et Noël Segura) liés à FDI habitat de ne pas prendre part au vote (vers 1’51 de la vidéo), le président de la métropole n’ajoute pas le nom de Stéphanie Jannin à la liste.
Charte Anticor
On pourrait se dire que vote ou pas vote de ces personnes, cette délibération ou celle concernant la Maison de l’architecture aurait été adoptée. Ce qui est exact mais on ne peut pas le savoir avant le vote. De plus, la charte Anticor, signée par Philippe Saurel et Stéphanie Jannin, stipule qu’un des rôles de la « commission éthique », mise récemment en place par Philippe Saurel, est d’indiquer « avant chaque conseil municipal si des élus doivent s’abstenir de participer au débat et au vote de certaines délibérations pour ne pas être en conflit d’intérêts ». Ce qui signifie donc que l’association attache une certaine importance à la participation à de tels votes. Or, on attend toujours qu’elle réagisse officiellement aux différentes situations décrites ci-dessus.
Il ne faut pas non plus être dupes. En effet, il y a des moyens beaucoup plus discrets pour des élus, quand ils le veulent, de favoriser telle ou telle personne ou telle ou telle entreprise. Et le vote n’est que la partie visible et souvent anecdotique d’éventuelles magouilles. Quand elles existent. Il suffit par exemple de définir des critères d’analyse des offres d’un marché public qui favoriseront le candidat qu’on souhaite retenir. C’est illégal mais difficilement démontrable.
Quant à l’opposition de Philippe Saurel, qu’il s’agisse du PS, du FN ou de LR, elle n’a posé aucune question à la majorité municipale sur le cas Jannin, lors du conseil du 28 avril. Quant à Stéphanie Jannin et Philippe Saurel, eux qui ne cessent de dire leur attachement à « la transparence » et à « faire de la politique autrement » ne se sont toujours pas exprimés sur ces différentes affaires.
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3 commentaire(s)
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à 19 h 04 min
Intéressant
à 20 h 02 min
Philippe Saurel a signé la charte Anticor, mais il a aussi signé la transformation de l’Agglomération en Métropole, ne laissant presque aucun pouvoir aux maires.
Le bulletin de vote indiquait « Philippe Saurel, candidat à la mairie » et « Philippe Saurel, candidat à l’Agglo ». Logiquement, la signature de Philippe Saurel engage donc tout autant l’élu à la Métropole que l’élu à la mairie.
Pourtant, on lit partout « commission éthique de la mairie », « conseil municipal », etc… Philippe Saurel semble très convaincu à s’asseoir, en tant que président de la Métropole, sur la charte qu’il a signée, en tant que futur maire.
à 14 h 26 min
Il est vrai que l’annonce de 2014 selon laquelle les vice présidents de la Métropole auraient signé la charte Anticor proposée au moment des municipales n’est pas vérifiée.Certains observateurs y ont même vu quelques incompatibilités…
Anticor n’est cependant pas une instance qui jugerait avant ou là où la Justice est déjà saisie. La vigilance n’est pas la « ronchonnerie », n’est-ce pas?