Fraîchement arrivé à Montpellier, Claude Baland avait précisé, le 20 janvier, l’attitude qu’il souhaitait avoir avec les étrangers désirant séjourner en France. Le cas d’Azziz, qui a été expulsé mardi, permet de confronter les actes aux discours. Et la loyauté ne saute pas aux yeux.
« Vers 10h, j’étais dans une pièce du chantier, j’ai entendu : « Contrôle Urssaf ! », et lorsque j’ai regardé, j’ai vu la police. Ils étaient ensemble. En sortant de la pièce, la police est venue vers moi et m’a demandé mes papiers. » C’est ainsi que Mahmoud (1) raconte la matinée du 3 février où il a été interpelé avec Azziz. Ce dernier est un travailleur sans-papier sous le coup d’une obligation de quitter le territoire. Il est soutenu par la Coordination des comités de sans-papiers et a vu sa demande de régularisation rejetée. Son histoire n’est pas unique mais intéressante pour observer le comportement de l’État et de ses fonctionnaires vis à vis des personnes sans-papier.
L’affaire du « faux-PV »
La méthode de contrôle et d’interpellation d’abord. Maître David Chaigneau, l’avocat d’Azziz, a tenté devant le juge des libertés et de la détention puis devant la cour d’appel de faire libérer son client. Motif : le contrôle d’identité était irrégulier. Pourquoi ? Tout simplement parce que, selon Azziz et comme Mahmoud l’a écrit, les policiers accompagnaient le contrôleur Urssaf. Ceci est illégal car les policiers ne peuvent rentrer sur un chantier qu’après qu’on leur ait signalé un délit (2). « Prétendre que le contrôleur aurait d’abord fait sont contrôle, puis appelé l’OPJ [Officier de police judiciaire] Darboux sur son portable alors que précisément ce dernier était à proximité immédiate est incohérent. Il est évident que si le contrôleur avait été seul, il aurait appelé le commissariat central, lequel lui aurait ensuite « passé » l’enquêteur disponible le plus proche », martèle l’avocat dans ses conclusions. Pourtant, selon Me Chaigneau, le contrôleur Urssaf aurait déclaré : « J’appelle l’OPJ Darboux que je sais être à proximité. » Le hasard fait bien les choses surtout quand il fait suite à l’affaire du « faux PV » déjà mentionnée ici.
Louis Gerbet, conseiller à la cour d’appel, n’a pas partagé le point de vue de l’avocat. Dans sa décision rendue le 9 février, il écrit : « Des procès verbaux de police [et] le procès verbal rédigé par le contrôleur de l’Urssaf permettait d’établir que ce dernier, après avoir constaté un délit de travail clandestin, avait avisé les services de police ; que le seul manuscrit émanant de [Azziz] n’apparaît pas de nature à rapporter la preuve que les deux services ont procédé en même temps au contrôle. » La parole de fonctionnaires assermentés a donc primé sur celle de deux citoyens ordinaires. Un grand classique. Résultat : Azziz a été expulsé le 17 février.
Expulsion « en catimini »
Ce genre de coopération Urssaf-police a donné lieu à des mobilisations voire à des manifestations comme par exemple en Bretagne comme le relate le site de l’union locale CGT de Rennes. À Montpellier, la CGT semble moins mobilisée (3) même si l’union départementale a signé avec le SNUDI-FO un communiqué de la Coordination des comités de soutien aux sans-papiers, par ailleurs soutenue par la CNT et Solidaires. Cette mobilisation n’est peut être pas inutile. En tout cas, la Coordination fait clairement le lien entre l’expulsion de d’Azziz « en catimini » et « l’importante mobilisation » autour de lui.
Pourquoi la préfecture n’a-t-elle pas prévenue la Coordination qu’Azziz allait être expulsé alors qu’elle avait participé à une réunion en préfecture quelques jours plus tôt pour défendre le cas du sans-papier ? Interrogé par Montpellier journal, Marc Pichon de Vendeuil répond : « Vous imaginez bien qu’ensuite il peut y avoir des manifestations de mauvaise humeur, de résistance. Ce n’est pas à moi de les prévenir. » Et le directeur de cabinet de souligner qu’il ne s’est jamais engagé à prévenir la Coordination contrairement à ce que celle-ci affirme.
Reste que, selon la Coordination et la Cimade, Azziz est parti le mardi matin vers 11h et qu’il n’a été prévenu qu’à son réveil. Pas facile dans ces conditions de préparer son départ et surtout son arrivée dans son pays d’origine. Certes, la décision d’expulsion, selon Marc Pichon de Vendeuil, a été prise le lundi après-midi mais alors que l’État sait mobiliser des policiers pour aller cueillir des sans-papiers à 6h du matin, il ne sait trouver personne pour communiquer une décision d’expulsion au principal intéressé. À moins que la préfecture ait joué avec les horaires de bureau, notamment du greffe du centre de rétention, pour ne communiquer qu’au dernier moment la décision d’expulsion à Azziz et ainsi éviter toute mobilisation. Si c’est le cas, ce n’est peut-être pas très « loyal ».
« Métiers prioritaires »
Dernier point intéressant : cette affaire illustre parfaitement la politique d’immigration choisie du gouvernement (4). Car un patron avait déclaré à la préfecture vouloir embaucher Azziz comme maçon. Mais ça n’a pas suffit. « On ne remettait pas du tout en cause la bonne foi de l’employeur qui était présent à l’entretien, explique Marc Pichon de Vendeuil. Le métier en question ne fait pas partie des métiers prioritaires au vue des besoins du marché du travail. Celui qui est en tension c’est celui de chef de chantier. » Pourtant, quelques jours avant la décision d’expulsion, Eric Besson, le nouveau ministre – socialiste pendant 14 ans – de l’immigration, signait un accord avec Vinci, entreprise de BTP, grâce auquel il souhaiter montrer sa volonté de développer l’intégration par l’emploi des étrangers qu’il oppose à l’immigration pour regroupement familial. « Le meilleur vecteur d’intégration, outre la connaissance de la langue française et l’adhésion à nos principes de vie commune, c’est le travail, légal, déclaré, protégé par le code du même nom. » Ça n’a pas suffit pour Azziz. Et puis, Marc Pichon de Vendeuil avance une deuxième raison : Azziz « avait toute sa famille qui résidait dans son pays d’origine et il n’était pas anormal qu’il puisse retrouver les siens ».
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(1) Les prénoms ont été modifiés.
(2) L’avocat fait référence aux dispositions de l’article 78-2-1 du Code de procédure pénale.
(3) Par exemple, aucun communiqué sur le sujet n’est visible sur le site de l’union départementale ou de l’union locale.
(4) Voir par exemple Patrick Weil dans l’émission Parlons de Net de France info. Vers la 9e minute.
3 commentaire(s)
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à 13 h 27 min
Ce que vous relatez est l’exacte vérité : Louis Gerbet est connu par les collectifs de défense des sans-papiers comme « intraitable » ! Lors de l’audience houleuse il glosait sur la parole de l’expulsable contre celles de 2 fonctionnaires assermentés. Toute cette affaire est une honte pour notre république qui bafoue la Loi ! l’Urssaf avait prévenue la police en amont c’est évident.
Continuez…
à 17 h 24 min
Le pire dans tout çà , c’est que dans 90 % des cas , il y a » délit de faciès » qui est normalement puni par la loi .Car pour faire du chiffre en expulsant les gens , ils sont OBLIGES de controler des gens à 80 % de couleur ! Ils ne vont pas contôler des blancs pour les renvoyer en Afrique !
De toute façon » ventre creux n’a pas d’oreilles » , les gens qui ont faim , viendront toujours chercher à manger là où il y en a , même au péril de leur vie.
Monsanto et Cie , ont compris depuis bien longtemps .Allez voir – Les maitres du monde -http://www.syti.net/Organisations/Bilderberg.html
Si tout n’est pas vrai , on peut et on doit se poser des questions .
Pour en revenir aux expulsions , même si on ne peut accueillir toute la misère du monde , il faudra bien qu’un jour ces populations restent chez elles , mais il faut les aider pour cela .Que l’argent de nos états ,versé à leurs gouvernants , ne serve pas en retour à nous acheter des canons !!
Il y aurait tant à dire encore et notamment , que ceux qui ont le ventre plein arrêtent de parler de la misère des autres , qu’ils leur donnent plutôt la parole
cordialement
à 0 h 25 min
A vous écouter, il faudrait que les personnes qui travaillent sans papier et qui sont dans l’illégalité en restant en France, puisse rester tranquille dans ce pays, sans qu’on ne leur dise strictement rien ?
Ce n’est pas mon avis, et avant de se dire que l’Ursaff et la police font du zèle et des actes illégales, peut être qu’il faudrait se demander aussi, si ces étrangers sans papiers ne sont pas plus dans l’illégalité que les gens de l’ursaaf..
Alors, certes, ce n’est peut être pas la bonne méthode, c’est clair, mais il serait alors peut être temps de changer certaines lois afin de faire un maximum de contrôle..