Après la police municipale, voici que la police nationale demande à Montpellier journal d’effacer des photos. Et comme si ça ne suffisait pas, la demande est assortie d’un geste – légèrement – brutal et de cette mise en garde : « La prochaine fois, l’appareil on le casse. » Les retours de vacances sont souvent difficiles…
En guise de rentrée, vendredi 28 août, Xavier Malafosse et moi décidons d’aller faire un reportage photo aux Estivales, animation autour de la dégustation de vin sur l’Esplanade de Montpellier. La première partie du reportage, de 19h à 21h, est consacrée à l’ambiance générale . La deuxième, à partir de minuit, concerne l’évacuation de l’esplanade par les forces de police (nationales et municipales). Ce soir-là, les policiers sont cordiaux et l’évacuation se passe dans le calme. Après avoir pris 8 photos, Xavier est interpellé par deux policiers nationaux : « Monsieur, montrez-nous les dernières photos que vous venez de prendre, s’il vous plaît. »Le policier est juste devant lui, il s’adresse à lui poliment mais pose sa main sur l’appareil photo assez vigoureusement. Xavier lui montre ses photos. Ils sont maintenant trois autour de lui.
« J’ai le droit de faire des photos »
Le policier : Il va falloir effacer les dernières photos.
Xavier : Mais j’ai le droit de faire des photos.
A ce moment-là, je m’approche et dis, pensant que c’est la police municipale qui coordonne l’évacuation : « Il a le droit de faire des photos, vous pouvez demander à Fabrice Morand. » J’ai fait la connaissance du directeur de la sûreté du domaine public à la mairie le 21 avril. Réponse immédiate d’un policier : « Fabrice Morand, on s’en fout. » Puis, sans un mot, un autre policier me tire par mon sac à dos pour m’écarter.
La main gantée du policier n’a de cesse de pousser l’appareil photo de Xavier vers le bas. Il lui demande à nouveau d’effacer les photos.
Xavier : Je n’ai pas l’intention d’effacer mes photos.
Le policier : Montrez-moi encore les deux dernières.
Xavier s’exécute.
- Celles-ci vous les effacez tout de suite.
- Pourquoi ?
- Il y a mille cinq cents personnes ici et dix policiers, vous prenez des photos de n’importe qui mais pas de nous.
- J’ai le droit de faire des photos.
- Vous effacez ces photos, et vous arrêtez de nous empêcher de faire notre travail.
- Je ne vois pas en quoi vous ne pouvez pas faire votre travail. Et moi, comment je fais si je ne peux pas faire de photos ?
- Ce n’est pas mon problème : il y a dix fonctionnaires de police et mille cinq cents personnes, vous les prenez en photo mais vous nous laissez travailler.
- Jusqu’à preuve du contraire, être fonctionnaire de police n’a rien d’insultant.
Le policier se saisit du menton de Xavier
Xavier réfléchit, sait qu’il doit aller chercher sa fille le lendemain matin et, pour éviter un éventuel placement en garde à vue, efface donc les deux photos demandées. Puis, après avoir à de multiples reprises continué à pousser son appareil photo, le policier se saisit du menton de Xavier, lui tourne assez brutalement la tête sur le côté en déclarant : « La prochaine fois, l’appareil on le casse. » J’étais assez prêt de Xavier pour avoir moi-même vu le geste et entendu la menace du policier. Le reportage s’est donc arrêté là, même si nous aurions bien pris d’autres photos.
Montpellier journal a donc demandé à Patrick Chaudet, directeur départemental de la sécurité publique, quelles suites il comptait donner à cet incident. Nous lui avons également rappelé les précisions que Guillaume Neau, chargé de communication dans son équipe, nous avait apportées en avril dernier : « Dans l’exercice de nos missions au quotidien, nous sommes de plus en plus confrontés à la captation voire à la diffusion de notre image ou de nos paroles par des tiers. Or, si nous bénéficions, comme tout citoyen, du droit au respect de la vie privée, nous ne pouvons faire obstacle à l’enregistrement ou à la diffusion publique d’images ou de paroles à l’occasion de l’exercice de nos fonctions. Il est donc exclu pour nos services d’interpeller la personne effectuant un enregistrement, qu’elle appartienne à la presse ou non, ainsi que de lui retirer son matériel ou de détruire les prises de vue effectuées. Un policier ne peut, en principe, s’opposer à l’enregistrement ni à la diffusion d’images ou de sons. La liberté de l’information, qu’elle soit de la presse ou d’un simple particulier, prime le droit au respect de l’image ou de la vie privée dès lors que cette liberté n’est pas dévoyée par une atteinte à la dignité de la personne ou au secret de l’enquête ou de l’instruction. Nous restons très attentive aux exploitations qui pourraient en être faites. »
Résumé de l’incident : abus de pouvoir, non respect de la loi, brutalité – certes légère – provocation et menace. Un peu loin du code de déontologie de la police nationale qui précice : « Placé au service du public, le fonctionnaire de police se comporte envers celui-ci d’une manière exemplaire. »
► Lire aussi : Comment j’ai frôlé la garde à vue
► Et si vous souteniez, même modestement,
Montpellier journal ?
32 commentaire(s)
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à 16 h 04 min
Et puis il faudrait informer ces aimables policiers que toutes photos effacées peuvent être très facilement récupérable si on n’en prend pas d’autres par dessus ! Donc toutes leurs grimaces ne servent à rien au final !
Et puis sincèrement j’aimerais savoir en quoi ça les dérange …. ils n’étaient pas là où ils auraient du ?
à 16 h 37 min
Il se trouve que les photos en question étaient anodines mais, à mon avis, il ne faut pas rentrer dans le débat sur ce qu’il y a sur la photo. Ce n’est pas à la police de décider quelles photos peuvent être prises.
De plus, après un tel comportement, on ne s’amuse pas – sauf à vouloir jouer la provocation – à en prendre d’autres. C’est aussi le problème.
à 17 h 33 min
c’est grave… je suis scandalisée…
par l’abus de pouvoir et la menace du citoyen par les forces de l’ordre!
barbara
à 18 h 01 min
Scandalisé. Faire ca uniquement par abus de pouvoir.
C’est ça le problème de la police, c’est qu’autant y a des honnêtes personnes qui sont là pour faire le bien autour. Autant y en a qui y sont uniquement pour cette sensation de pouvoir.
à 19 h 13 min
Faut dire que si les torchons comme celui là n’essayaient pas perpétuellement de mettre à défaut les forces de l’ordre dans l’exercice de leur fonction, ça ne se passerait pas comme ça. Il est très facile de faire dire de que l’on souhaite a une photo! donc je soutiens la Police que ce soit municipale ou nationale. facile de critiquer mais le jour où vous êtes dans le besoin, on ne les voit plus de la même manière.
à 20 h 55 min
Vous pouvez récupérer les photos. Faites le et publiez les. Cela vous servira aussi à identifier les personnes en question
à 21 h 34 min
@Anonyme de 19h13 : il s’agit simplement que certains policiers respectent la loi qu’ils sont eux-même chargés de faire respecter. Et puis vous avez raison, ne gardons que des journalistes embarqués donc autorisés par ceux sur qui ils sont censés informer. Et comme ça les citoyens seront bien informés.
à 11 h 10 min
Monsieur J-O-T faites donc quelques patrouilles avec des équipages de Police dans les quartiers vous aurez un sujet intéressant (pour une fois), des photos et les citoyens seront bien informés… Je vous invite à en faire la demande
à 11 h 25 min
La France, un pays de moutons.
Ce genre d’incidents me rappelle étrangement un soft, Half-Life 2, dans lequel les forces de l’ordre, dirigées par un despote, jouent de la matraque-tazer pour le moindre écart de pas et tentent d’éliminer les gêneurs, » pour le bien-être des citoyens » qui marchent au pas.
Alors, certes, le but de des forces de l’ordre est de, à juste titre, remettre de l’ordre.
Mais savoir que des mecs armés se permettent de tels écarts, on est en droit de se demander où tout cela peut mener.
@Anonyme de 19h13 : Etonnament, toute presse non formatée est désignée comme un ustensile de cuisine nécessaire pour effectuer certaines tâches ingrates. Bien sûr, depuis l’invention du lave-vaisselle, une machine formatée dans laquelle chaque chose trouve sa place, plats, assiettes et couverts sont lavés, séchés puis rangés. Cependant, tout ce qui sort de l’ordinaire ou qui pourrait déranger, de par sa forme ou sa crasse, n’y trouve sa place. A ce moment là, on est bien content de trouver le torchon. Sachez que la presse nationale ou régionale est bien loin d’être libre. Nous tairons le passé du midi-libre, à l’époque où Frêche avait sucré les annonces-légales, pubs etc. Aors que les grands jouraux nous mitonnent des petits articles bien gentils sur le tram sans parler des arbres centenaires arrachés, le H1N1 sans aller à l’essentiel (si le virus de la grippe A rencontre le H5N1, la grippe aviaire, il y a 40 millions de morts en Europe, appris de source médicale, par exemple), ou sur la rentrée scolaire, nous oublions gentimment l’un des pilliers de la démocratie : avoir des medias libres. Or, la seule presse qui dispose aujourd’hui d’un peu de liberté, et qui jouie de Cow-Boy ayant encore des joyeuses et une certaine morale, c’est bien la presse satirique. En rêgle générale, les personnes qui n’ont rien de tout ça sont enssevelies par la masse, des moutons de panurge quoi, vous voyez ? De temps en temps ils osent s’exprimer (qui se sent morveux, qu’il se mouche), mais Ils restent anonymes toute leur vie.
A.T
à 14 h 18 min
Ils se prennent vraiment pour des dieux les flics. Et essayez donc de les appeler.
L’autre jour j’ai appelé la police parce qu’il y avait un voisin qui hurlaient avec des amis à 2h du matin dans la petite rue où j’habite. Le mec me lance par la fenêtre :
- Appelle les flics si t’as un problème, connard !
Je m’exécute immédiatement. Le flic au bout du fil me demande une adresse et comme je n’avais pas entendu à cause du bruit, je lui demande de quelle adresse il veut parler : celle du voisin d’en face, ou la mienne? Et là il me dit sur un ton de dédain : « L’adresse du pape, monsieur ». C’était pas une blague.
Il se prend pour qui. Si jamais à mon taf je dis à quelqu’un je peux vous dire que ça va mal finir pour moi. Mais les flics, rien. Ils ne risquent rien à être carrément détestable avec les gens.
Et puis de toute façon ils ne sont pas venus…quelle bande de rigolos.
Un jour cette situation va nous péter à la gueule !
à 19 h 40 min
Je suis moi meme policier municipale, et je soutiens les collègues. A chaque service d’ordre , je n’ai pas forcement envie de voir ma tronche en premiere page le lendemain dans les journaux. Les journalistes a croirent qu’ils le font expres. Meme en tenue , une a une vie privee, et on n’a pas forcement envie que tous nos voisins la connaissent. Arrete un peu de faire chiez le monde et prenez donc des photos intelligentes, si c’est pas trop vous demandez.
à 19 h 59 min
@Anonyme de 11h10 : je laisse ça à mes collègues qui le font très bien. Voir Midi Libre invité par la police et Nos journaux gâtent « les flics ».
Par ailleurs, il me semble que dans une « démocratie », ce n’est pas à la police de décider quels sujets sont intéressants ou pas.
à 20 h 02 min
Je pense que le journaliste hurlerait à l’indignation et au droit à la vie privée si la préfecture de police se servait de sa photo sans son autorisation pour une campagne de communication. Or là, tout est normal. Comme d’habitude les journalistes ont tous les droits sous couvert de droit à l’information.
à 20 h 05 min
C’est sûr que la dégustation des vins est un sujet vraiment brûlant et intéressant. Heureusement que la malheureuse victime grièvement agressée est journaliste, donc qu’il sait, parce que si on laissait aux flics le droit de choisir, ce serait catastrophique. Les journaux risqueraient de retrouver une crédibilité auprès de l’opinion française…..
à 20 h 08 min
@Anonyme de 19h40 : je pense – mais je peux me tromper – que ce n’est pas à un policier de décider quelle photo est intelligente et laquelle ne l’est pas.
De plus et jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas (encore) la police qui fait la loi. Donc si vous voulez la faire changer, je vous suggère de demander à votre député.
Enfin, est-ce que ça vous paraît normal pour un policier de bousculer – donc aussi de provoquer – et de menacer un citoyen ?
à 20 h 10 min
@Oussama : même remarques que ci-dessus. De plus, comme l’indique très bien le policier cité dans l’article, le droit de photographier des policiers dans l’exercice de leurs fonctions est valable pour tout citoyen et pas seulement pour les journalistes.
à 20 h 14 min
@Anonyme de 20h05 : attendez de voir le résultat. Je ne sais pas si nous serons parvenu à ce que nous voulions mais c’est un sujet, qui moi, me paraît intéressant.
à 22 h 01 min
@ Anonyme de 19h40,il vous faut changer de métier,c’est le paparazzi qui porte atteinte à la vie privée, dans le cas présent l’un et l’autre sont dans l’exercice de leur fonctions, sauf que un du fait de son uniforme déroge à sa fonction et c’est navrant quand on représente la REPUBLIQUE.
à 0 h 42 min
Anonyme de 19h40
Je vous remercie de l’attention que vous portez à ce que nous faisions des photos intelligentes, toute conseil est le bienvenu afin de ne plus « faire chier le monde ».
Par contre, quand on n’a pas envie que tous les voisins connaissent sa vie publique – j’insiste sur « publique », du moins vie professionnelle, car il ne me semble pas que disperser une foule en uniforme fasse partie de la vie privée – alors on reste dans l’ombre… Certains n’en sortent jamais et s’en portent très bien !
à 16 h 01 min
Jacques-Olivier, la prochaine fois que vous faites un reportage photo alertez tous les citoyens : nous viendrons avec nos appareils. Nous pouvons tous prendre des photos même si les flics matraquent des individus dans l’exercice de leurs fonctions. Ils peuvent nous envoyer des flash ball dans les yeux cela ne nous empêchera pas de voir et de dénoncer leur violence quand il y en a.
Qu’ils se comportent de manière exemplaire comme le suggère leur code de déontologie et les citoyens que sont les journalistes et que nous sommes tous, les respecteront et eux-mêmes n’auront pas peur des clichés sur lesquels ils seront, au contraire ce sera en leur honneur.
à 16 h 26 min
@Rose : j’aurais pu aussi tenter de filmer les policiers entourant Xavier. Mais je dois bien reconnaître que je n’ai pas eu le courage de prendre le risque d’une garde à vue. Et c’est peut-être que certains policiers cherchent avec ce type d’intimidation : éviter d’avoir des images surtout quand leur comportement est répréhensible. Mais vous avez raison quand il y a 20 personnes qui filment, c’est plus difficile. Même si, dans ce cas, on connaît la tactique : on en interpelle un pour faire peur au 19 autres.
En résumé : les citoyens peuvent être filmés par les caméras de vidéosurveillance mais les policiers ne peuvent pas être surveillés par les citoyens.
à 10 h 54 min
Ce ne sont pas des policiers, mais des flics imbus de leur petit pouvoir… pôv’ petits bonhommes!
à 11 h 44 min
C’est effectivement scandaleux, et la position des « anonymes » et autre oussama ne m’étonne qu’à moitié.
A quoi assiste-t-on du côté de la police ? A une dérive sécuritaire et à l’abandon des missions traditionnelles de la police (le fameux police secours qui ne secours plus personne surtout comme cela est dit plus haut s’il s’agit de perturbations de voisinage qui sont certes mineures en comparaison du grand banditisme mais qui pourrissent l’existence, elles).
le résultat de cette dérive : l’augmentation des interpellations (plus ou moins justifiées) et des bavures leurs corolaires. Forcement le sachant les flics se grispent et tout ce qui montre ou montrerait cet état de fait les grispent encore davantage.
Il y a pas mille solutions : la première c’est que dès nous sommes témoin de ce genre de scène nous « dégaignons » tous nos portables et filmions. la deuxième c’est que les policiers se réveillent et surtout que les flics comprennent que les gens honnètes (journaliste ou pas) ne sont pas contre eux (de ce côté je sais il y a du travail il n’y a qu’à voir les messages ci-dessus ).
à 12 h 09 min
Au Royaume-Uni, ce genre de conduite tend à se généraliser. Les photographes, professionnels ou amateurs, qui prennent des photos des forces de l’ordre ou des édifices publics sont régulièrment harcelés et sommé d’effacer leurs photos, au nom de la « lutte contre le terrorisme ».
à 10 h 52 min
La police en France est de plus en plus au dessus de la loi. S’en cacher ne sert a rien. A nous tous de choisir quelle société on veut.
Salutations,
PS: pour info http://resistons.lautre.net/
à 21 h 40 min
Ce qu’il vous est arrivé est désolant.
Pourriez vous publier le reportage sur les Estivales? avec les photos. J’ai bien aimé cette édition qui m’a permis de découvrir quelques bonnes bouteilles…
à 21 h 42 min
C’est en cours. Mais il s’agit d’un regard subjectif…
à 21 h 48 min
C’est désolant, mais ça montre où en est la police: hostile envers la population, et honteuse de sa propre image. Même sans appareil photo, observez les flics et ils commencent à s’inquiéter, faites-leur une observation polie et ils vous répondent illico « casse-toi pauvre con ». Ce sont des comportements indignes dans une démocratie.
à 0 h 20 min
J’ai vu ce qui se passait aux estivales, j’ai vu ce qui se passait à l’electromind, j’ai vu ce qui se passait en centre-ville devant le restaurant « Chez Emma ». Depuis un an je ne reconnais pas ma ville. Montpellier est livrée à la police clé en main ! Chaque jour on nous prépare un peu plus au couvre-feu militaire. Une politique de droite dure ? Non, juste une ville, un conseil général et une région tenus par le PS ! Si vous voulez vivre libres citoyens, mélomanes, journalistes partez pour Berlin. Là-bas au-moins la dictature militaire a vécu.
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