Le patron de La Gazette fait retirer une info sur la santé de Georges Frêche

Pierre Serre qui est aussi gérant de La lettre M, a fait retirer une brève du site Internet de l’hebdomadaire économique qui rapportait des propos du président de région concernant sa santé et son indisponibilité possible pendant plusieurs mois après une éventuelle réélection. Information gênante à une semaine du scrutin.

C’est Midi Libre, sous la plume de Philippe Palat, son directeur de la rédaction, qui a révélé l’affaire ce matin dans un article titré : « La hanche de Frêche fait plier l’info en ligne. » Les faits ? Mardi, le président de région participe à une réunion de la Fédération de l’hospitalisation privée ouverte à la presse. Georges Frêche y parle de sa santé et évoque une opération du genou (Midi Libre parle de la hanche), après sa réélection éventuelle le 21 mars, dont la convalescence pourrait l’écarter des affaires jusqu’à septembre 2010. La lettre M rapporte ces propos sur son site Internet puis la retire suite à un « coup de fil à la publication » de l’hôtel de région, écrit Midi Libre.

« Cette info semblait erronée »
L’hebdomadaire économique est aujourd’hui géré par Pierre Serre, par ailleurs patron de La Gazette qui se dit « globalement favorable » à l’action de Georges Frêche (Marianne2.fr, 25/02). Il a succédé à Alain Thibert, l’ancien gérant et directeur de la publication depuis le décès de celui-ci le 8 janvier 2010. Interrogé par Montpellier journal sur les raisons de sa décision de retirer l’information sur le site de La lettre M, Pierre Serre déclare : « On m’a dit qu’elle était fausse et je pense qu’elle est fausse. On avait écrit que c’était une opération du genou, or c’est une opération de la hanche, semble-t-il. Enfin, lors de plusieurs conférences de presse, Georges Frêche avait parlé de sa hanche. D’autre part, nous avions écrit qu’il se faisait opérer le lendemain des régionales. Ce qui semblait bizarre puisque d’une part il avait dit plusieurs fois en public qu’il allait en Chine, à Shangai je crois, en juin. D’autre part, on sait très bien que, lors de sa dernière opération, si j’en crois Midi Libre, il avait besoin de maigrir avant d’être opéré. D’autre part, on écrivait qu’il y avait 6 mois de rééducation or la réduction pour une hanche aujourd’hui c’est 3 semaines-1 mois. [...] Cette info semblait erronée et l’avantage d’Internet, c’est qu’on n’a pas à attendre une semaine pour faire un rectificatif (1). »
Écouter le son :

« Une chasse à l’homme contre le physique »
Laurent Blondiau, le directeur de la communication de Georges Frêche, pour sa part, déclare à Montpellier journal : « Il y a d’abord une chasse à l’homme contre le physique du président, c’est inacceptable. Après Jean-Luc Mélenchon, Hélène Mandroux, c’est maintenant au quotidien régional de s’attaquer aux questions de physique. Les lecteurs en jugeront. Le président a une hanche qui lui fait mal depuis des années, ça ne l’empêche pas de gouverner la région. »

Y’aura-t-il une opération après l’élection, demande Montpellier journal. « Ce n’est pas à l’ordre du jour. On verra après l’élection. C’est une question qui est privée. Je pense qu’il communiquera sur le sujet à partir du moment où il y aura des faits établis sur le moment de l’opération. C’est une opération qui est de toute façon commune, qui touche beaucoup de nos concitoyens. Ce qui est donné par le quotidien régional est complètement faux puisque ça dure plusieurs mois. À toi de te renseigner auprès des spécialistes, puisqu’il n’y a que ça qui vous intéresse, pour savoir combien de temps ça dure. »

« Le faciès des gens »
Problème, la brève de La lettre M était basée sur les propos de Georges Frêche lui-même. « Je ne sais pas où ils ont pris ça. Moi j’en reste à ça : il y a une chasse au physique. » Et puis, ce n’est pas le quotidien régional, objecte Montpellier journal. En effet, Midi Libre parle de la censure de la brève de La lettre M pas du physique de Georges Frêche. « Je ne sais pas ce qui s’est passé. La censure, je n’utilise pas ce genre de mot. Les médias, au lieu de courir la petite phrase, la santé et le faciès des gens, devraient s’intéresser un peu au programme à une semaine des élections régionales. Ça vaut pour tout le monde. » Un peu comme Georges Frêche qui s’était intéressé, fin décembre, à la « tronche » de Laurent Fabius ?

Cette affaire est pourtant intéressante à plusieurs titres. D’abord il est cocasse de voir Philippe Palat de Midi libre écrire notamment : « Les politiques ne sont pas en restent pour dire pis que pendre des journalistes. Ou pour tenter de les censurer. Ils n’y parviennent jamais. » Mais bon, cet article lui permet sans doute de se payer Pierre Serre, un de ses concurrents, tout en apparaissant comme un journaliste irréprochable qui dénonce les pressions des politiques. On croit rêver.

« Information basée sur les propos de Georges Frêche »
Ensuite, si on suit bien Pierre Serre, le journaliste qui était présent lorsque Georges Freche a parlé de sa santé aurait tout confondu : le genou avec la hanche, trois semaines avec six mois. Bref, si on en croit son patron, ledit journaliste devrait se faire opérer des oreilles. Tout aussi étonnantes sont les réponses à l’objection de Montpellier journal : « Pourtant l’information était basée sur des propos de Georges Frêche. » Pierre Serre : « Je ne sais pas, je n’étais pas présent. Elle me semblait fausse. » Quant à Laurent Blondiau, on l’a vu, il n’a pas répondu.

La réalité est peut-être quelque part entre tout ça. Par exemple : une opération de la hanche, avec deux mois de rééducation puis un voyage à Shangaï puis les vacances d’été. Reste que ce n’est pas la première fois que Georges Frêche fournit plusieurs versions sur sa santé. Il déclarait ainsi à Midi Libre (6/01/09) : « L’opération de ma cheville qui me fait souffrir est prévue pour mars-avril. » À la même période il évoquait aussi un problème de genou puis de hanche. Finalement, il a été opéré du dos en juillet. Il avait ensuite annoncé, à la fin de l’été, qu’il quitterait sa canne fin septembre. Cinq mois plus tard, il est loin de pouvoir le faire. Il a aussi évoqué, il y a quelques semaines, une opération pour se faire poser une prothèse de la hanche.

Si le président de région a déclaré quelque chose qui a ensuite été démenti par ses équipes, c’est aussi une information intéressante. Dans ce cas, il aurait été préférable de publier l’information initiale puis, pourquoi pas, le démenti. Problème, ça n’aurait pas donné une bonne image de Georges Frêche. En tout cas, le sujet est suffisamment sensible pour que l’hôtel de région intervienne auprès du directeur de la publication de La lettre M et que celui-ci fasse retirer la brève. pour qu’il fasse retirer la brève et que celui-ci s’exécute. Évidemment, on n’en serait pas là si le président de région et son entourage était plus transparent sur son état de santé et publiait régulièrement un bulletin. Georges Frêche s’inspirerait-il de François Mitterrand qui a caché aux Français son cancer de la prostate pendant 11 ans ?

[Mise à jour le 7 mars à 11h15 : correction dans le dernier paragraphe, l'hôtel de région n'a pas demandé le retrait de la brève.]

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(1) Sollicité, le rédacteur en chef de La lettre M n’a pas souhaité s’exprimer.