Après plus de six mois de bataille judiciaire acharnée, le syndicat patronal a annoncé mardi qu’il abandonnait les poursuites liées à l’élection contestée de Gabrielle Deloncle à la présidence de la Chambre de commerce et d’industrie. Oubliées les grandes envolées moralisatrices des patrons pour dénoncer un « système mafieux » et une fraude à grande échelle. L’union patronale était visiblement à ce prix.
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« Aujourd’hui on trouve normal que les gens trichent et qu’ils s’en prévalent ! Il n’y a plus de scrupule, il n’y a plus de honte. Aller tricher, voler, tuer, on n’a plus de honte, on n’a plus de rien ! » C’est ainsi que s’emporte Joseph Francis à propos de l’affaire de la fraude lors des élections de décembre à la CCI de Montpellier. Pas hier, ni avant-hier, bien sûr. Mais le 4 janvier 2011 quand Montpellier journal l’interroge sur le sujet. Le patron de la Comeca était alors chargé par le Medef, perdant de l’élection, de porter l’affaire au pénal : « On veut aller jusqu’à la vérité parce qu’il n’est pas acceptable que nous restions dans une situation comme celle-là où des voyous… »
« Une bande organisée »
La phrase était restée en suspens car il avait détaillé auparavant ce que le Medef pensait avoir découvert : « Une bande organisée de huit fois quatre personnes, c’est-à-dire en tout 32 personnes, réparties sur des zones géographiques qui aurait été – je ne peux utiliser que le conditionnel tant que la justice n’a pas tranché – directement menée par des colistiers que dirigeait Mme Deloncle et qui aurait procédé à des vols d’enveloppes à la fois à La poste et dans les boîtes aux lettres. » Avec comme objectif de voter à la place des destinataires du matériel de vote.
Depuis la procédure a suivi son cours et pas moins de 15 personnes ont été mises en examen pour « fraude électorale et complicité » (Midi Libre, 14/05). Gabrielle Deloncle a été placée en garde à vue et en est ressortie avec le statut de témoin assisté. En parallèle, le Medef a manœuvré pour obtenir la dissolution de la chambre. Ce qu’il a finalement obtenu le 1er juillet grâce à une décision du tribunal administratif, quatre démissions au sein de l’équipe Deloncle et un abandon des poursuites administrative en appel. De nouvelles élections vont donc avoir lieu et un nouveau président devrait être élu fin novembre. Pour éviter une nouvelle bataille à l’issue toujours incertaine, des négociations ont eu lieu entre André Deljarry (Medef) et Gabrielle Deloncle (Cgpme), sous l’égide du patron de Sogea sud, Gérard Maurice, pour constituer une liste unique. Et elles ont été couronnées de succès.
Résultat : le Medef abandonne sa constitution de partie civile dans la procédure pénale et se marie avec la Cgpme. La composition de la liste n’est pas encore connue mais on sait déjà que ce sera un mariage sans mariée. En effet, Gabrielle Deloncle ne sera pas sur la liste. La présidente sortante a expliqué mardi, lors d’une conférence de presse commune avec Gérard Maurice et André Deljarry, avoir « privilégié l’intelligence et l’intérêt général » puis a déminé par avance le terrain : « Je voudrais apporter une précision parce que je ne pense pas qu’il y ait de mauvais esprits dans la salle – je ne peux pas l’imaginer chez les journalistes – mais on ne sait jamais. Effectivement André Deljarry a proposé immédiatement de retirer la plainte qui était déposée contre notre équipe. J’apprécie, j’en prends acte et je le remercie parce que c’était difficile d’imaginer que deux équipes puissent travailler si une équipe a porté plainte contre l’autre. »
Pas « vendue »
Et d’ajouter : « N’oubliez pas que les seules personnes qui ont le pouvoir – et la compétence – d’arrêter ces poursuites sont le procureur et la juge. Donc ceux qui penseraient que je me suis vendue pour l’arrêt de la plainte – je ne soupçonne par que le moindre d’entre vous puisse avoir un soupçon mais je préfère le dire – ça n’a absolument aucun signal [sic] parce que c’est simplement le signal que deux équipes se rejoignent et donc lèvent les différents qu’elles pouvaient avoir. »
Écouter l’intégralité de la déclaration de Gabrielle Deloncle :
De son côté, André Deljarry qui devrait conduire la liste d’union, a déclaré : « Je souhaite que tous ces procès à répétition, toutes ces divisions venimeuses, toutes ces mesquineries stériles cessent une bonne fois pour toute. » Montpellier journal revient à la charge et demande si le retrait du Medef de la procédure signifie qu’il considère que la fraude n’est finalement pas si grave et qu’il n’y a pas lieu de porter plainte. Réponse d’André Deljarry : « À un moment donné on a dit : on fait table rase du passé. Ça veut dire que si on voulait continuer avec des procédures, ça continuait les querelles. Donc personnellement, avec l’ensemble du conseil d’administration du Medef et des personnes du MPR [Mouvement patronal pour le renouveau], on a décidé, en conscience, de dire : stop, ça suffit. Aujourd’hui privilégions l’union, les compétences et travaillons pour l’économie régionale. »
« Sanctionner le plus lourdement les commanditaires »
On est à nouveau bien loin des déclarations de Joseph Francis en janvier : « Ceux qu’il faut sanctionner le plus lourdement, ce sont les commanditaires. Ce sont ces gens-là que nous cherchons le plus prioritairement. » Interrogé hier par Montpellier journal, il était plus mesuré : « Bien entendu, je ne retire en rien les valeurs de la République et les droits d’un citoyen. » Mais alors, pour le Medef ce n’est pas si important que ça que les responsables de la fraude éventuelle soient sanctionnés ? « Je n’ai pas envie de m’exprimer à la place du Medef. Je suis [membre du] Medef mais je n’ai pas le mandat pour répondre à la place de son président. Je vous réponds à titre personnel. J’ai poursuivi une action pour que la légitimité des élus issus de la fraude soit contestée. Le second point c’est qu’il fallait qu’il y ait une sanction et la plus lourde c’est priver les élus de leur mandat. C’est une sanction lourde. » Sauf que la loi prévoit aussi d’autres sanctions.
Interrogé en janvier sur les raisons pour lesquelles des personnes auraient pu aller jusqu’à organiser une fraude à grande échelle avec les risques que ça comportait, Joseph Francis répondait : « Il faut croire que l’envie de pouvoir est telle que tous les moyens sont utilisés. Il y a des gens qui sont prêts à marcher sur leur honneur pour une poignée de postes. » D’après les déclarations de mardi, ce ne serait pas l’envie de pouvoir qui a guidé les protagonistes du rassemblement mais « l’intérêt général ». Quant à d’éventuelles sanctions pour les fraudeurs présumés, elles sont maintenant uniquement entre les mains du juge et du procureur. Et en cas d’enlisement de l’affaire, il risque de ne plus y avoir grand monde pour alerter la presse. Sauf si, bien sûr, d’autres personnes ou associations se portaient partie civile.
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