Le candidat PS-EELV n’applique pas, en tant que président de l’agglomération de Montpellier, plusieurs points de la « charte éthique » Anticor, association créée pour « lutter contre la corruption et pour réhabiliter la démocratie représentative ». De plus, plutôt que d’être dans la clarté, Jean-Pierre Moure n’a cessé d’être dans l’évitement et l’enfumage concernant sa non signature. Des domaines où il excelle. Jean-Pierre Moure a bien mis en place sa propre « charte déontologique de l’élu » dont plusieurs principes semblent positifs. Problème : il n’en a pas respecté certains autres ces dernières années. De sa propre charte ! Gênant. Philippe Saurel (sans étiquette) et Jacques Domergue (UMP-UDI), ses deux principaux concurrents, ont eux signé le texte d’Anticor. Ainsi que Muriel Ressiguier (Front de gauche).
C’est une phrase qui ne parlera sans doute pas au grand public. Contenue dans la charte Anticor, elle est pourtant cruciale pour les journalistes voire pour des citoyens engagés. Pourquoi ? Parce qu’elle permet d’assurer une plus grande transparence dans la vie publique en garantissant un accès plus systématique aux documents administratifs des collectivités locales. C’est-à-dire aux données qui ne font pas partie des plans de communication des élus et qui permettent d’aller à la racine d’un sujet et de mettre en évidence d’éventuelles dérives ou problèmes de fonctionnement de l’institution. Voire des infractions pénales.
Documents gênants
De quoi s’agit-il ? La loi prévoit que tout citoyen – donc aussi un journaliste – peut avoir accès gratuitement aux documents administratifs de l’État, des collectivités locales, etc. Quand l’entité à qui il en fait la demande lui refuse cet accès, il peut saisir la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) qui formule un avis sur la demande de communication. Mais, si l’avis est favorable, l’entité peut continuer à refuser la communication et le demandeur n’a d’autres choix que de saisir le tribunal administratif pour tenter d’obtenir gain de cause. Une procédure lourde, longue et coûteuse qui permet, sauf détermination en béton du demandeur, à l’entité publique de se soustraire à son obligation de communication de documents qui la gênent ou au moins de gagner du temps. Beaucoup de temps. Bien utile, par exemple, en période électorale. En effet, certaines informations seront parfois moins gênantes une fois l’élection passée.
Et c’est là que la phrase de la charte Anticor intervient. En effet, il est écrit que le signataire, donc le futur élu, « s’engage à suivre sans délai les avis de la Commission d’accès aux documents administratifs ». Ainsi, avec cette charte, l’avis de la Cada qui n’était que consultatif, devient applicable « sans délai ». Le rêve pour qui souhaite éclairer les citoyens sur les pratiques des élus et des fonctionnaires même si un délai de deux mois peut s’écouler entre la demande et l’avis de la Cada. Oui mais voilà, Jean-Pierre Moure, celui qui reste encore favori des municipales à Montpellier – même si depuis un an il l’est chaque jour un peu moins – n’a pas signé la charte Anticor.
Épais brouillard
Au moins est-il cohérent avec ses pratiques en tant que président de l’Agglo. Ainsi pas moins de cinq demandes, y compris les plus simples à satisfaire, de Montpellier journal faites à l’Agglo depuis fin novembre 2013 et avec avis systématiquement favorable de la Cada, n’ont pas été satisfaites. Une demande plus récente concernait par exemple la brasserie du stade de rugby, objet de vives interrogations et entourée d’un épais brouillard. Dans le même temps, Jean-Pierre Moure répétait en boucle pendant sa campagne les mots de « clarté », « transparence ». Il aurait donc été cocasse qu’il aille jusqu’à signer la charte Anticor qui contredit ses pratiques.
D’autant que ce n’est pas le seul cas. En effet, la charte contient un long paragraphe sur « la publicité des informations ». Il est un peu complémentaire du point concernant la Cada. En effet, si un document est spontanément publié par la collectivité sur son site Internet, le citoyen n’aura pas à les demander. Problème, sur un type de document aussi simple que les procès verbaux de conseil d’agglo par exemple, la collectivité ne respecte pas les préconisations de la charte. Contrairement par exemple à la ville de Montpellier et à bien d’autres collectivités en France (de droite comme de gauche), y compris beaucoup plus petites que l’agglo de Montpellier. Et aucun autre des documents listés par la charte Anticor ou leur équivalent pour l’Agglo, ne sont publiés sur le site de la collectivité. Deux points positifs néanmoins : depuis le printemps 2013, les conseils d’agglo sont retransmis en vidéo en direct et en différé sur Internet et les délibérations sont consultables sur le site de l’Agglo.
Emplois de cabinet, indemnités des élus
Autres points de la charte que Jean-Pierre Moure aurait pu appliquer depuis son accession à la présidence de l’Agglo en décembre 2010 : « Rendre public le nombre des emplois de cabinet et leur coût total », « mettre en ligne les tableaux des indemnités des élus », « rendre public un rapport annuel des travaux » de la Commission de contrôle financier et de la Commission consultative des services publics.
Et malgré tout ça, Jean-Pierre Moure a déclaré qu’il n’était pas « du tout en désaccord pour » signer la charte Anticor. Mais il ne l’a pas fait. Pourquoi ? « On ne m’a pas encore sollicité pour me tenir le stylo pour que j’appose ma signature. » Voir aussi ses déclarations du 19 février ici où il avait répondu « oui » à la question « vous allez la signer ? »
Écoutez les propos recueillis le 11 mars :
« Sans aucune offense à M. Moure »
Montpellier journal a donc demandé au groupe local d’Anticor ce qu’il pensait du fait que Jean-Pierre Moure attende qu’on le sollicite pour signer la charte. La réponse n’a pas tardé : « Sans aucune offense à M. Mourre, ce n’est pas la démarche. Anticor n’a jamais cherché à « placer » sa charte (qui n’est pas un produit commercial ni un « kit-mainspropres) ni à démarcher un ou des candidats pour qu’ils la signent. […] Aucun des 23 signataires de l’Hérault n’a été « démarché ni incité à signer la charte. Tous se sont conformés à la procédure. »
Alors quid de la « charte déontologique de l’élu » que Jean-Pierre Moure dit avoir demandé à ses colistiers de signer ? Rien bien sûr sur la Cada. Sur le non cumul des mandats, elle est vague si bien qu’on pourrait penser que des colistiers de Jean-Pierre Moure l’enfreindront. Il est ainsi écrit : « J’applique le non cumul des mandats et je considère également que le renouvellement de la classe politique est indispensable pour être en phase avec les aspirations des citoyens. » Problème, quatre députés sont sur la liste Moure. Et même s’il a été annoncé qu’ils ne cumuleraient pas avec des fonctions exécutives (adjoint au maire ou vice-président de l’Agglo), il s’agira bien d’un cumul de mandats.
« Devoir d’information et de transparence »
Autre point : « Les indemnités associées aux diverses attributions au sein des assemblées délibérantes, à la Ville comme à l’Agglomération, seront rendues publiques dès l’installation de celles‐ci. Elles doivent être connues de tous. » Un point commun avec la charte Anticor mais non appliqué jusque là par l’équipe Moure à l’Agglo. Point 12 également : « Je fais preuve de transparence et de rigueur et je suis très vigilant au sujet de l’utilisation des deniers publics . » Plus loin : « J’ai un devoir d’information et de transparence auprès des citoyens sur les actions réalisées et les projets en cours. » On a vu qu’en matière de transparence, ce n’était pas vraiment ça.
« Les citoyens sont de véritables acteurs de la démocratie locale. Je considère la relation avec les administrés dans leur diversité comme un des fondements de mon action. Je m’engage à faire preuve auprès d’eux d’écoute et de disponibilité pour connaître leurs besoins et leurs attentes et de respecter toutes leurs opinions de façon continue et régulière. » Les citoyens qui militent pour le retour en régie publique de l’eau qui ont dénoncé une concertation bidon sur le mode de gestion de l’eau en 2013, apprécieront sans doute. Même si ces bonnes intentions arrivent bien tard.
[Màj à 18h18 : oubli de mentionner ce communiqué du 15 mars de deux adhérents d'Anticor34 :
"[Suite à] La publication dans La Gazette de cette semaine de la charte déontologique de JP Moure, des adhérents d’Anticor34 –association contre la corruption- s’interrogent sur le fond et la forme de cette démarche. Un engagement moral d’intégrité, de non cumul est certes respectable, mais quand la charte est rédigée en interne, évaluée en interne et contrôlée par la suite en interne, quelle est la légitimité d’un tel engagement ? Être juge et partie ? M. Moure avait la possibilité – comme les 23 signataires héraultais de la charte – de se rapprocher d’Anticor pour signer la charte éthique. Les 9 engagements précis et contraignants -transparence, participation citoyenne, non cumul des mandats- proviennent d’une association indépendante et transpartisane, inféodée à aucun parti, groupement ni courant.
Or, depuis l’automne 2013, la charte Anticor est accessible sur le site www.anticor.org. Pourquoi M. Moure a finalement rédigé sa propre charte, sans que personne ne sache qui l’a rédigée, qui l’a validée, et enfin, comment se fera le contrôle du respect des engagements, en cas de victoire de sa liste? La charte déontologique de M. Moure prône la transparence, mais les garanties et procédures sont véritablement obscures. Aussi, l’engagement moral de M.Moure nous laisse plus perplexes que réjouis. La déontologie journalistique aurait également voulu que La Gazette fasse appel à un point de vue sur cette charte, à la fois extérieur et non partisan.
PS : à ce jour, aucun de nos courriers (des lecteurs) n’a été publié par La Gazette et nous le regrettons fortement… »]
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à 20 h 06 min
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