Alors que l’association qui gère le festival dirigé par Talaat El Singaby venait d’être condamnée par les prud’hommes pour 240 heures supplémentaires non payées, La Gazette de Montpellier titrait : « Les I.G. blanchies ». L’hebdomadaire avait en effet choisi de privilégier la non condamnation de la structure pour harcèlement moral et travail dissimulé. Montpellier journal revient dans le détail sur le jugement des prud’hommes de Montpellier car, comme déjà vu, les pratiques évoquées pourraient ne pas être isolées. L’édition 2011 du festival débute dans quelques jours.
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Si on veut une information honnête sur les Internationales de la guitare, mieux vaut ne pas se référer à La Gazette de Montpellier. En effet, non seulement l’hebdomadaire est partenaire du festival montpelliérain mais en plus, Pierre Serre, le patron du journal est un ami de Talaat El Singaby, le directeur de l’association Confluences, structure qui gère l’événement musical de l’automne (photo ci-dessus). Tout ceci, ajouté aux pratiques souvent contestables du journaliste, n’annonce rien de bon. Comme le montre le document (ci-dessous) que s’est procuré Montpellier journal, Pierre Serre n’a pas hésité à témoigner en faveur du puissant notable montpelliérain dans une affaire qui opposait ce dernier à une modeste salariée embauchée en contrat aidé et contrainte de saisir les prud’hommes pour réclamer des heures supplémentaires non payées. Pierre Serre évoque notamment dans son témoignage « une des manifestations phares du Montpellier culturel », « la plus grande courtoisie » de Talaat El Singaby à l’égard des médias et descend Midi Libre, un de ses nombreux ennemis.
Pourquoi Midi Libre ? Simple : le quotidien régional n’a pas été toujours en bons termes avec Talaat El Singaby et lui a même décerné son « prix citron » 2009 (Midi Libre, 3/01/2010), justement l’année où Pauline (1) était en poste au sein de l’association Confluences. Le quotidien régional écrivait que lors de la 14e édition du festival, Talaat El Singaby était « apparu arrogant, cynique, vindicatif voire menaçant face à la critique ». Pour Pierre Serre, l’attitude de Midi Libre s’expliquerait par le fait que le quotidien n’a pas digéré que le festival soit le partenaire de La Gazette.
8000 €, ça fait cher le blanchiment !
Une chose est sûre, Talaat El Singaby peut au moins compter sur La Gazette. Qui, dès que le jugement des prud’hommes a été connu, a publié (14/07) une brève titrée : « Les I.G. blanchies. » 8000 €, ça fait cher le blanchiment ! Car, comme l’avait publié Montpellier journal, Confluences a été lourdement condamné par le conseil des prud’hommes de Montpellier pour des heures supplémentaires non-payées à Pauline. La Gazette a bien mentionné cette condamnation mais a préféré retenir dans son titre la non condamnation pour travail dissimulé et harcèlement moral. L’hebdomadaire ne s’arrête pas là et excuse quasiment les I.G. : « Il est vrai qu’en matière de spectacles et de communication, la notion d’« heures sup » est toujours délicate à apprécier. » Dans son témoignage, Pierre Serre indiquait qu’il ne connaissait pas les faits examinés par le tribunal (voir ci-dessus).
Visiblement les prud’hommes n’ont pas partagé le point de vue de La Gazette et ont condamné, le 8 juillet, l’association Confluences à payer exactement le nombre d’heures supplémentaires demandé par Pauline soit 239h40 pour un montant de 2452 € pour une période allant du 16 mai au 24 octobre 2009. Dans le décompte des heures (ci-dessous), on voit que Pauline a travaillé de nombreux samedis et même parfois des dimanches et ce pas uniquement en période de festival. Soit six voire sept jours de travail par semaine. Et encore, comme le souligne Me Vincent Lecroisey, l’avocat de Pauline, c’est « un décompte incomplet puisque uniquement basé sur les jours où elle pouvait justifier sa présence ». Sur le seul mois d’octobre, on arrive donc à un horaire hebdomadaire supérieur à 62 heures au lieu de 35 heures (2).
« Preuve de la réalité et de la gravité des faits »
Pauline, alors qu’elle était encore en poste, a bien tenté de convaincre son employeur de lui payer ses heures supplémentaires. Peine perdue. Elle décide donc de constater la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur. Et sur ce point aussi, les prud’hommes lui ont donné raison. « Les pièces et témoignages produits au débat par [Pauline] apportent la preuve de la réalité et de la gravité des faits reprochés à l’employeur, rendant impossible à [Pauline] la poursuite de sa relation contractuelle », écrivent les conseillers dans leur décision. Ils lui attribuent donc une indemnité de 4677 € au titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée au contrat de travail. Avec les frais de justice et d’avocat, on dépasse donc les 10 000 euros à la charge de Confluences pour avoir refusé de payer 2452 € à sa salariée.
Et encore la note aurait pu être plus salée. En effet, Pauline demandait également aux prud’hommes une indemnité forfaitaire de 8063 € pour travail dissimulé. Car, expliquait Me Lecroisey, « malgré les réclamations de [Pauline], l’employeur n’a jamais accepté de régler les heures supplémentaires réalisées, qu’il tente en outre de dissimuler en invoquant son propre décompte dans un tableau contredit par de nombreux témoins ». Les conseillers n’ont pas suivi l’avocat dans cette demande mais la motivation de la décision n’est pas claire.
Travail dissimulé
En effet, ils écrivent (voir ci-dessous) que Pauline « a bien été déclarée par l’employeur auprès des organismes de protection sociale, et que des bulletins de salaire lui ont été remis, en l’occurrence celui du mois de mars 2010 où est fait mention d’heures supplémentaires réglées ». Cette explication pose deux problèmes. Le premier, c’est que l’article L 8221-5 du Code du travail que les conseillers eux-mêmes citent dans leur décision, décrit comme travail dissimulé notamment le fait de mentionner sur le bulletin de paie « un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli ». Or Pauline est précisément dans ce cas puisque les prud’hommes ont eux-mêmes reconnu que Confluences ne lui avait pas payé 239 heures supplémentaires et évoquaient « la gravité des faits ». Deuxième problème, les conseillers citent une fiche de paye de mars 2010 alors que Pauline avait déjà quitté l’association et avait saisi les prud’hommes depuis le 4 février 2010 donc avant l’établissement de cette fiche de paye avancée comme preuve de la bonne foi de Confluences. On a fait mieux comme « blanchiment ».
Il y a enfin la question du harcèlement moral. Les deux parties ont produit des témoignages contradictoires. Ainsi, Claudie (1), une ancienne stagiaire, raconte : « Le fait de travailler dans un bureau commun en présence de toute l’équipe m’a permis de constater une mauvaise ambiance quotidienne, rythmée de cris et de hurlements provenant de Talaat El Singaby à l’encontre de [Pauline]. J’atteste que le directeur a humilié plusieurs fois [Pauline] en présence de l’équipe. M. El Singaby appelait notamment [Pauline] non par son prénom mais par des surnoms comme camora, cosa nostra, faisant référence à ses origines italiennes… »
Christine (1) va dans le même sens : « J’atteste avoir assisté à des humiliations publiques et constantes sur la personne et le travail de [Pauline] à Confluences. Des propos injurieux et menaçants ont été régulièrement proférés à son encontre de nombreuses fois, j’ai pu entendre des expressions pour le moins dégradantes… » En face, l’association produit de nombreux témoignages de salariés ou stagiaires qui parlent notamment d’une « ambiance conviviale », de travail « convivial et bon enfant » ou de « bonne entente ». Tout juste, certains concèdent-ils qu’en période de festival, il pouvait y avoir du « stress ».
État psychologique
Les prud’hommes n’ont pas été convaincus par Pauline et justifient leur décision par le fait que les arrêts de travail produits par la salariée pour justifier de son état psychologique dégradé, ont été prescrits uniquement par un médecin généraliste et « n’établissant aucun lien de causalité en relation directe de son état professionnel ». Problème, les mêmes conseillers prud’homaux ont condamné Confluences pour absence de visite médicale d’embauche et, par là-même, souligne le fait que Pauline n’a pas été en contact avec un médecin du travail. Qui aurait pu faire le lien entre son état psychologique et son travail.
Tous ces points pourraient être abordés par la Cour d’appel si, comme l’affirme La Gazette, Confluences ne se satisfait pas du jugement de première instance (3). En attendant, la vie continue pour Talaat El Singaby qui a été nommé en juillet Chevalier dans l’ordre des arts et des lettres. Par ailleurs, il continue à apporter son soutien aux hommes politiques locaux puisque, après avoir été très présent lors de la campagne des régionales de 2010 aux côtés de Georges Frêche, il était présent le 5 septembre à la conférence de presse organisée par le sulfureux Robert Navarro pour annoncer son soutien à François Hollande. Les élus socialistes de la région le lui rendent bien puisque, comme on l’a vu, les I.G. sont subventionnées à hauteur de 135 000 euros par la collectivité.
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► Lire aussi : Internationales de la guitare : 390 000 € de subventions et des interrogations
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(1) Le prénom a été modifié.
(2) 94h30 supplémentaires sur 24 jours soit une moyenne de 3,94 heures supplémentaires par jour donc 3,94 x 7 jours = 27,6 heures supplémentaires par semaine. Ajoutées aux 35 heures réglementaires, on arrive à 62 heures.
(3) Sollicités par Montpellier journal, ni Talaat El Singaby ni Céline Durand, avocate de l’association, n’ont donné suite.
3 commentaire(s)
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à 21 h 53 min
j’espère que cette affaire ne servira pas à justifier le prix des concerts de cette année
Excellent boulot, merci.
à 23 h 23 min
quelle belle ville Montpellier. Habitée par des gens si drôles
Bon pas forcément très droits, certes…
à 23 h 04 min
J’ai eu du mal à retrouver mais on trouve un Ismaël El Singaby dans la
liste municipale de Mandroux en 2008 en 58ème position donc non-élu, il paraît que c’est la famille…